Le cinéma abandonné , comme vieux monde ,
il y aurait le vieux et le neuf . Il y a le vieux et le neuf , le mal et le bien, les pauvres et les riches ..etc..
Le cinéma abandonné comme usines , terres et chemins , mines , salines , et voies ferrées , pays , paysages et visages .
Les outils abandonnés , détruits , cassés , fourgués , bric à brac , foire à tout , rue , décharges – des caméras , des projecteurs , des visionneuses , des labos entiers , et pelloche en vrac de tous les âges .
Le langage abandonné comme on le dit d’un jardin , derrière le clip bouclé de l’immédiateté ; quelques simulacres , quelques maquillages dans les quartiers chics , pour faire comme de si .. nostalgies et belles manières ,
Alibis pour : argent , renommée , succès etc..
Sinon rien. L’hiver de l’image .l’hiver de l’hiver .
Rien mondial au monde . Les codes mpeg2 – authoring . terminé . bouclé .
On peut plus sortir , et le ménage est fait . propre .
La fin de l’histoire comme dit l’autre . Tout effacé . bien récuré .
Page blanche du fric partout sans odeur .
Tout bien nettoyé , ça y est , c’est fait.
Le temps détruit pour une éternité de fric .
Reste le jardin abandonné . Peut être il se repose juste .
Les outils balancés, bazardés , pas tout rouillés . ils sont là . Ils se trouvent.
On peut les prendre . jetés à la rue , pour les pauvres tiens ! s’ils veulent ;
Les pauvres , ils veulent , ils prennent . Ils aiment , ils savent : réparer , restaurer, fabriquer , inventer pour les machines abandonnées .Ils ont pas oublié le langage ,les noms : filmer , refilmer , extraire , sasser , transcrire , lumières et temps , miroirs, papiers , lentilles , diaphragme et vitesses , allures et distances , sels dissous , sels cramés , magnétique , son magnétique , il faut du souffle , 6.25 . double perf. Double bande , c’est mieux , plus de souffle , ou alors rien , silence
Spirale . Projeter la tête en bas les pieds en haut , pour avoir l’homme debout .
Miroir
La croix de malte , et la lanterne .
Le faisceau lumineux .
Salle noire , page blanche.
Ils ont pas oubliés les noms , parce qu’ils ont pas oublié les mains ,
les fils des ouvriers morts et des métiers morts . négatives et positives .
Les vieilles machines archaïques , qui parlent , marquent , griffent , tracent , les vieilles machines de lumières et de temps , on les prend , on les fait marcher , comme on prend les machines à laver , les vieilles chaises , les cuisinières cassées et les télés dans la rue , pareil , avec une exaltation bohémienne .
La terre abandonnée , devenue sauvage ,
Se reposant ,
Les outils trouvés , devenus sauvages ,
Et on va les garder sauvages ;
L’empreinte , la griffure , la trace , la marque , et la lumière et le temps par dessus le marché ,
Le scandale du geste dans le vide des codes .
On fera des films comme on balance des cailloux : ceux du petit poucet ,
Pour tracer des chemins,
Ceux de l’intifada , dans la gueule , pour sauver sa vie .
Comme les sables du désert , grains de sables dans les rouages , grains de sucre dans le réservoir,
Et des films comme les fleurs d’une nuit , éphémères , sitôt écloses , sitôt disparues , pas vu pas pris ,
Et on leur fourguera rien.
Un art certain du document : l’enfance de l’Art dans la guerre ,
Des cailloux dans la gueule , des envols de poussière dans l’air conditionné , cerfs volants et papillons dans des cieux que l’on prenait déjà pour l’écran d’internet ,
Des griffures et des traces sales sur le blanc de l’ordre .
Des films sans papiers , sans titres , imprenables , invendables .
Résistants comme les cyprès et les genévriers des Causses
Puissants comme le vent du désert.
On les projettera dehors , sur les murs debouts , sur les pierres des montagnes , sur les feuilles des arbres , et les nuages du ciel.
Sur les fleurs
Juste pour quelques uns : chats , chiens , humains , ou pour personne et pour rien.
Nous serons des tribus de filmeurs , de la ville et des champs.
Comme bandits de grands chemins , scribes , arpenteurs , alchimistes , calligraphes , navigateurs , chercheurs d’or, archéologues ..
Invisibles , anonymes , clandestins des ténèbres et du soleil,
Résistants sans programme ,
Entre la guerre et l’air du temps ,
L’enfance de l’Art
L’affirmation du signe et son envol,
Apparitions et disparitions souveraines,
Des filmeurs qui font des films comme il pleut ou il fait soleil ,
Comme les arbres font à l’automne des feuilles d’or , pareil.
Le scandale de la respiration dans l’asphyxie du monde .
Dans la grotte , mains positives , mains négatives , pareil.
Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’arbres , alors , il n’y aura plus de filmeurs