Le temps dure déjà depuis longtemps. Je suis vieux. Dehors le jour se lève indifférent. Le mouvement baigné d’invisible. Notre monde immense. La forme humaine se tient là, dans le miroir. J’aperçois ses contours, la matière est circonscrite dans un espace délimité par la peau. Je tends mon bras rapidement, la matière s’accroche solidement à l’os, rien ne se dissipe. Pourtant je ressens que mon bras devient une boule pendant un instant. L’étoffe du monde se devine au centre de gravité entre les sens et le cœur.
A travers le cinéma, je veux essayer de me rapprocher de ce centre. J’essaye de passer par le vide pour atteindre le noyau. Se laver les yeux et brandir son cœur aux passants. J’ajuste mon regard et ma conscience. Un partage pour habiter le monde. Etendre la géographie de l’homme.
Un brin d’herbe tremble. Le son est une vibration. La lumière est une vibration. Ils s’accordent dans un rythme ample. Nous rendre à nous-même. La croyance en ce monde.
Dans la rue, les drames se jouent en solitaire. On se croise et l’on se sent appartenir à la même espèce lointaine. L’homme reste seul dans ses habits. L’enfant hésite puis il saute. Un geste anodin, à peine un souffle. Plus tard, on retrouve les mêmes engagements avec d’autres moyens. On se retourne enfin, on se regarde. La même odeur qui nous avait fait croire à l’intimité partageable. Dans un silence, les lumières défilent. Au loin, des immeubles dressent un visage. De l’autre côté de chaque fenêtre, des corps battent la mesure. Le sang afflue, les organes se gonflent. Un autre monde est possible.
La mue s’éprouve.