Le cinéma – tout est trahi. L’histoire de la terre
commence par les mots : « C’est fait ». L’histoire
du cinéma nous a privé de destin. Ci-gît l’orgueil.
L’humanité n’existe même pas encore. L’effroyable
nouveauté nous est révélée : les mondes fictifs des
religions s’écroulent. S’écroule la tromperie infâme
des mots. La pellicule, tissu mental, rend libre
l’espace qu’elle crée.
Le cinéma rend le monde insupportable. Il ne supporte
pas la béatification de la poésie, il en exige la réalité.
Voir tout dans tout : le langage du cinéma est postérieur
à l’antique distinction de la parole et du silence.
Pensons les premiers poèmes du poète souabe
Hölderlin, pensons les derniers poèmes inallusifs du
poète, un masque de beurre froid sur le visage : le
printemps, l’été, l’hiver, l’automne. Nu, ras, risible, rien.
Travelling arrière sur le monde finissant, les chefs
français sortent de leur cadavre en virevoltant
dru et sec.