Les deux lucarnes

Texte de Franz Kafka, 1911

Le sentiment du faux que j’ai en écrivant pourrait être rendu par l’image suivante : un homme, placé dans un grenier devant deux lucarnes, attend une apparition qui n’a le droit de se produire qu’à la lucarne de droite. Mais tandis que celle-ci justement, reste fermée par un verrou que l’on distingue vaguement, les apparitions surgissent l’une après l’autre à celle de gauche, s’efforcent d’attirer le regard et y parviennent finalement sans peine en prenant une ampleur croissante, qui va, quelque résistance que l’on oppose, jusqu’à boucher l’ouverture véritable. Or, pour peu qu’on ne veuille pas quitter la place — et on ne le veut à aucun prix — on se trouve réduit à accepter ces apparitions dont on ne peut se contenter parce qu’elles sont trop instables — leur force s’use dans le simple fait d’apparaître —, et que l’on pousse en avant et dans tous les sens quand leur propre faiblesse les arrête, à seule fin d’en faire surgir d’autres, puisque aussi bien la vue prolongée d’une seule d’entre elles est insupportable et que l’espoir demeure, quand les fausses apparitions seront épuisées, de voir enfin surgir les vraies. Comme l’image précédente a peu de vigueur ! Une condition préliminaire incohérente est placée comme une planche entre le sentiment réel et la métaphore de la description.

Fragment du Journal de Franz Kafka, 27 décembre 1911

L’image d’illustration est la première photographie connue d’un être humain à Paris, réalisée par Louis Daguerre en 1838.

Aucun article à afficher