Le chantier des retrouvailles

H. Matisse. Le rideau égyptien. 1949
Notes de David Yon prises lors de l’exposition "Voyage(s) en utopie. Jean-Luc Godard, 1946-2006", juillet 2006

Le lit était défait. Sur la couverture se trouvaient des fleurs vues un peu avant dans un tableau de Matisse, la blouse romaine. Sous le lit, de la poussière, des gravats. Il me semblait que le soir venu un homme retrouverait ce lit.

Il y avait quelque chose là. Dans la nudité de l’air. Entre nous.

Plus loin.

Une fenêtre.

À côté, une table en bois et quatre chaises autour.
Sur le bois, rien d’autre que l’air et la lumière.
De l’autre côté de la vitre, sur le béton, des hommes sans logement dorment dans des tentes de fortune. On ne les voit pas. Ils sont ailleurs. Dans les tunnels et le métro.

J’entends sa voix.

Elle dort avec la lumière, étendue sur les tissus.
Il la regarde dans le miroir. Une distance sexuelle.
Une plume s’échappe du fauteuil où elle était assise auparavant. La présence de l’autre contenue dans la plume.

«L’esprit emprunte à la matière les perceptions d’où il tire sa nourriture, et les lui rend sous forme de mouvement, où il a imprimé sa liberté. »
Henri Bergson, Matière et mémoire

Elle se retourne, le fixe du regard, déploie ses lèvres.
La bouche et les yeux dessinent les lignes érotiques de l’autre.
Le visage comme expression du désir.

Autour.

Le silence.

Les choses sont là.

Rien ne trahit.

Une image désaffectée.

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