Mon personnage

Film de Mathilde Girard, 2020

« Être rassemblé par un autre en une seule personne – comme c’est étrange.
Étrange de sentir le fil tissé en nous étendre ses fins filaments dans les brumes du monde qui vient s’interposer. Il est parti ; et je reste en tenant son poème. Il y a ce fil entre nous. Mais aussi quel confort, quel soulagement de sentir cette présence étrangère s’éloigner, l’inquisition se voiler, s’envelopper ! Quelle satisfaction de fermer les volets et de n’admettre aucune présence ; de sentir revenir les coins obscurs où ils s’étaient réfugiés les pensionnaires miteux, familiers que, par sa supériorité, il avait obligés à se cacher. Les esprits moqueurs et attentifs qui, même dans les moments de crise, observaient pour mon compte, se rassemblent pour revenir. Avec leur aide, je suis Bernard ; je suis Byron ; je suis ceci et cela. Ils obscurcissent l’air, m’enrichissent comme avant de leurs farces, leurs commentaires, voulant la belle simplicité de mon instant d’émotion. Car j’ai plus de moi que Neville ne le croit. Nous ne sommes pas aussi simples que nos amis le voudraient pour combler leurs attentes.
L’amour est simple, pourtant. »

V. Woolf, Les Vagues, traduction Cécile Wajsbrot, Christian Bourgois Editeur, 2008.

Première diffusion du film dans le DVD Le Bel été, de Pierre Creton (JHR films, 2020).

 

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