Fiction-Document
Réalisé par Stanislav Dorochenkov Apatride, France, Russie – 2021 – 91 minutes 2K flat, 16:9, Stéreo, couleur
Avec : Jeanne Casilas, Stanislav Dorochenkov, Ekaterina Gavrilova,
Olga Dudina, Chalva Zdanévitch, Vava Dudu, Régis Gayraud,
Karaman Kutateladze, Petr Joukov, François Mairé, Christiane Rorato, Chris* tian Gerber, Henry Douard
Image : Daniil Fomichev, Nikita Pavlov, Lucia Gerhardt, Stanislav Dorochenkov
Son : Christian Gerber, Nicolas Gerber
Montage : Maria Golub, Lucia Gerhardt, Stanislav Dorochenkov
Demontage ; Nicolas Gerber
Compositeur : Nicolas Gerber, Christian Gerber, Vasco Cesaretti, Arthur Moulton
Producteur : Stanislav Dorochenkov
Producteur délégué : Lyncæi
Coproducteur : Feedback Studio, Perspective Films, Cosmosfilm, Objet Direct, Perspective Film
Participation : Région Île-de-France, Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur
Le réalisateur va porter Iliazd à travers son usage poétique de la langue, à la fois écrit et vocale. Celui qui s’exprimait à Pétrograd, puis à Tiflis, lors des manifestations artistiques où il répandait avec ses compagnons, sa poésie et ses imprimés avant-gardistes. Ce parcours nous est révélé dans une complète immersion du langage, tel que Iliazd le développe, après Khlebnikov, autour du concept du zaoum à la fin des années 10 : « Le zaoum a pour but d’incarner en paroles les expériences vécues qui ne pouvaient d’aucune façon être traitées par nos prédécesseurs tant que la poésie utilisait la parole liée au sens ». Pour nous faire accéder à ces expériences, Stanislav Dorochenkov joue en permanence avec les modes d’expression ; le sous-titrage qui s’arrête ou bien qui se poursuit mais sans voix, inscription de mots associés à des paroles ou l’inverse, voix qui ne sont pas raccords avec les personnages, ou bien discordantes, mais qui se nouent autour de lettres et de phrases en cyrillique, anciennes compositions typographiques d’Iliazd ou non. Ces signes qui représentent une affirmation du retournement de la réalité par le poète. Et quand ils ne jaillissent pas du tréfonds d’une grotte scandée dans toute la nudité primitive d’une femme, ils sortent comme une délivrance de têtes arrachées à un autel, toujours sur le point d’être tranchées. Ces mots, qui en fonction de leur spécificité d’impression ou d’écriture, produisent leur propre potentiel sonore. Ainsi, pour parler de l’œuvre d’Iliazd, Stanislav Dorochenkov expérimente lui-même les limites du sens que l’on accorde au langage, à travers les médiums cinématographiques actuels, l’écran faisant ici office de la page chez Iliazd.
Dans son essai, il y a le temps long, attentif, celui du typographe Iliazd, campé ici par une artiste et une imprimeure, ou bien par les plans des premières églises chrétiennes du Caucase qu’il a patiemment tracés, alors même que certaines aujourd’hui n’existent plus ; et le temps court, celui éruptif, instantané et irrémédiable du poète, avec ces mises en scène qui nous plongent dans de purs instants futuristes et dadaïstes comme Iliazd savait les mener. Les acteurs et actrices, dont Jeanne Casilas – Lilia le double féminin d’Iliazd – qui crée une tension poétique permanente dans ses interventions, se mêlent aux membres de la famille d’Iliazd dans une grande fresque théâtrale, où le quotidien est absorbé par la réalité poétique.
Antoine Perriol
https://eefb.org/country/russia/stanislav-dorochenkov-on-iliazd/