29 Palms. Note d’intention

Texte de Bruno Dumont, 2002

« L’expression réside moins, à mon sens, dans la disposition du sujet, que dans la disposition du tableau, la manière de situer les objets, l’air, les vides, qui circulent autour d’eux. » H. Matisse.

Ici, ce n’est pas tant le sujet qui importe, que l’air, je veux dire l’atmosphère même, sa teinte. Aussi, Twenty Nine Palms est un film d’horreur. L’horreur finale, extrême, stable ; élaborée l’air de rien, suspendue au gré d’un récit ténu – chronique naturelle d’un couple de touristes à l’amour sauvage – qui, soudain, s’inverse, ultime. Mort.

Suis aujourd’hui à la recherche de cette force, non du motif (pas plus de la forme), mais du dispositif, de la proportion, de l’accord des moyens mis en œuvre, c’est à dire très précisément de la mise en scène.

Donc, filmer rien de fort, mais filmer relativement : sans crainte (d’être banal), y puiser le rythme et l’ordre, patienter, y trouver la clarté. Neutraliser, autant que faire se peut, toutes aspérités, toutes les formes achevées et pensées (intrigue, dialogue, lumière, cadre…), anéantir le beau et le bien : recommencer. Faire un nouveau film comme faire un monde. Transfigurer. Croire que la mise en scène seule et simple est expression, c’est à dire source de vie.

Ostensiblement rien n’apparaîtrait. La force n’est pas visible, elle n’est pas audible. Ne pas penser qu’elle puisse l’être : elle émergera de ce qui est mis en œuvre, malgré soi et tout. Ecrire un scénario, filmer, le sachant. Attendre. Calme.

L’histoire, en contrepoint, aux tons neutres dans le déroulement du temps : il s’agit tout autant de la vacuité de l’existence humaine recluse dans ses instincts, que la puissance sans fin de l’amour éperdu entre deux êtres. Vacuité puissance sont ici à l’écoulement sidérant du temps (temps automobile, son roulement), à l’immensité principale, quasi mystique des lieux (désert et motel).

Ce temps et ces espaces seront pour la mise en scène les masses fortes, où les protagonistes de la culture impérieuse retournent quelques jours à la nature (nudité, sexe sauvage, oisiveté, viol) et meurent.

Ce sont avant tout ces masses entre elles qui élaboreront l’atmosphère disjointe qui, à se répandre autour des individus soumis à leur proportion – aux parages de leurs figures -, dessine leur existence.

La sexualité résolue, libérée, bavarde et vaillante, est tenue à distance sur la surface. Tout montrer dans ce point de vue, parce que les plans au loin sont l’égard fait au spectateur, à sa tranquillité : y puiser de la puissance.

Envisager ce film qu’à considération de ces moyens mis en œuvre ; alors ne travailler qu’à l’instinct.

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Lire le début du scénario de 29 Palms.

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