Chansons d’amour

Film de Jean-Claude Rousseau, 2016

8 minutes

Il n’y a pas de signification particulière à donner au va-et-vient de lhomme dans la chambre. Ses déplacements sont ceux dun animal dans sa cage, dun prisonnier dans sa celluleLes cent pas. Quoi faire dautre ?

Un mouvement répété sans raison, qui bute sur les limites de lespace, entre deux chansons damour comme entre deux rêves usés du bonheur.

Du vieux disque, la chanson finale dans son dernier couplet nous dit : « il a sonné minuit ». Les lendemains qui suivront seront les mêmes. Des allées et venues dans lespace clos, avec l’élargissement illusoire du miroir et de la fenêtre voilée, par où se voient furtivement et sentendent les clapotis du monde. Impossible d’en être…

Mais il y a un coin secret, un lieu caché derrière la lourde tenture. Sy glisser dans lobscurité, comme disparait derrière le rideau de liconostase celui qui célèbre loffice divin. Traverser le mur dimages pour voir lImage. Le non-sens du temps qui passe converti en rituel.

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Changer, se changer. D’une chemise lautre, l’étoffe est laissée au dossier de la chaise comme une dépouille. Un dévêtir rapide pour changer lapparence. Dune chemise lautre, on imagine un essayage avant de se décider à sortir ; mais cest trop penser la fiction qui ferait croire à l’échappée et donnerait raison au geste.

Le geste se voit comme il se vit, sans raison, et la chemise laissée au dossier de la chaise nen est que plus présente.

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Rituel et célébration. Répétition sans fin des gestes et du parcours fermé des aliénés, dans un au-delà inintelligible. Cest ainsi que le film trouve sa forme.

D’abord les prises faites sans intention, enregistrant une présence, la caméra posée sur son chevalet. Limage vue sans histoire en vue. Puis la mise en orbite des prises dans une forme répétitive aux raccords improbables.

Le film na donc pas la structure linéaire que réclamerait un récit. Rien à raconter, pas de représentation. Un ajustement non pour faire sens mais qui, au contraire, évacue le sens pour préserver limage.

Jean-Claude Rousseau

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