Pas de Semaine asymétrique pendant trois ans, une Semaine asymétrique en mars dernier : le CSA (Comité Semaine Asymétrique) a donc décidé de remettre un peu d’ordre dans les agendas et propose de reprendre le rythme historique — à l’orée de l’hiver — de ce grand moment de turbulences. Alors, même si la ceinture est serrée, on la boucle pour un seizième décollage avec à bord les complices de toujours, mais aussi celles et ceux qui feront le voyage pour la première fois. La Semaine asymétrique n’est pas un festival, mais comme nous aimons le dire, une rencontre de cinéastes en public, partageant leurs recherches et leurs films. Chaque film trouve sa place tel qu’il nous arrive et nous le découvrons collectivement. Les cinéastes viennent ici s’engager dans un temps de débat et de réflexion commune. L’entrée est libre et les horaires sont donnés à titre indicatif — on s’y tient généralement, sachant que la discussion peut joyeusement venir faire trembler les plannings ! Les repas sont partagés, préparés par les artistes et les spectateur·rices. Les places s’échangent et les rôles circulent.
« Il est temps que la vie rende au cinéma tout ce qu’elle lui à volé ! » A moins que ce ne soit l’inverse.
Cinéma International de quartier où des films se fabriquent depuis vingt ans déjà, ce qui constitue le Polygone Étoilé, c’est la tentative de réconcilier toutes les sphères — pratiques, existentielles, affectives — que le cinéma engage. Ce lieu est l’outil permanent des cinéastes qui s’en emparent. La force du Polygone est de ne pas s’enliser dans un débat entre «art» et «industrie», entre «politique des auteur·es» et «réalisme économique», tel que tout y pousse depuis là-haut, d’où nous parviennent les échos tièdes d’un État général du cinéma. Nous veillons plutôt à rester, fidèlement, hors capital(e). Même si de studios en cinémathèques de bien grands projets s’invitent sur nos rivages…
Le «nous», ici, a bien eu le temps de changer de visage et il continue de prendre forme, pour donner un avenir à ce lieu vital à toutes nos pratiques. Partout des collectifs s’ingénient à tenir des espaces hors de la prédation des marchés et du démantèlement des biens publics — abris nécessaires et ouverts pour les temps à venir. Souhaitons que le combat reste fructueux avec celles et ceux qui nous permettent encore de continuer à faire naviguer cette chose publique, le cinéma, sous ses formes les plus entières.
En guise de bienvenue, cette Semaine asymétrique s’ouvrira par Cinémusical, un fragment restauré de «La subtile mémoire des humains du rivage». Issue de films d’ateliers, cette œuvre d’habitant·es du quartier a été réalisée au long cours par le collectif Film Flamme, à l’origine de la création du Polygone Étoilé. Tout au long de la semaine, d’autres films d’ateliers témoigneront de cette histoire collective qui se prolonge. Au sein du jeune paysage marseillais, de nouveaux liens se nouent avec le Polygone étoilé. Ainsi la cinéaste Franssou Prenant sera accompagnée par un club de réalisatrices qui s’est récemment regroupé autour de l’auto-accompagnement et de pratiques émancipatrices dans la fabrication de leurs films. Le vendredi nous irons en voisin·es au Labo Largent, un atelier partagé dédié au cinéma argentique, pour une soirée de performances. Une proposition ouverte a également été faite à l’atelier des artistes en exil, qui a choisi de montrer le dernier film d’Avi Mograbi précédé d’un court-métrage de Samer Salameh. Les ami·es genevois·es du Spoutnik, auto-nommé «plus beau cinéma du monde», viendront raconter comment, refusant de faire le tri parmi les spectateur·rices au temps du pass sanitaire, iels ont emmené le cinéma voir ailleurs, là où il n’était pas attendu. Avec la venue de Léa Morin nous prolongerons aussi cet automne nos liens avec Talitha, structure multiple qui nous offre l’occasion de redécouvrir les œuvres de Sidney Sokhona et Assia Djebar. Ces films auraient pu être tout bonnement perdus, d’un côté comme de l’autre de la Méditerranée, sans le souci revitalisé de défense et de recherche de ces cinématographies dites minoritaires mais si puissantes. Ces projections sont un écho direct à nos préoccupations autour de la numérisation, la restauration et la remise en circulation de films appartenant à une autre histoire du cinéma. Et grâce à la Cinémathèque de Toulouse, en compagnon de route, la semaine se clôturera avec le rare recueil de contes occitans L’Âne qui a bu la lune de Marie-Claude Treilhou.
Il est impossible de nommer ici tout ce qui compose ces pages et ce qui traversera ces journées et ces nuits. Comme une constellation jeune et franche qui s’offre à nous, dans l’intervalle d’une semaine débordante, en tout et pour tout une cinquantaine d’œuvres, assemblées là. Entrez libres !
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