Andalousie

Texte de Violeta Salvatierra, 2008

Une sortie d’école. L’oeil en attente, l’émerveillement.
Des visages, des prénoms. Ils courent vers nous.

La porte fermée d’une église, le clochard qui dort et les yeux
en douleur de la Vierge. María de los Dolores. Célébrations et deuil
qui n’en finit pas.

Tu avances. Le soleil t’embrasse, embrasse les rues. Les maisons
sont lourdes, les fenêtres ensommeillées. Béances. La nuit souffle
dedans.

C’est cette rue-là, Espiritu Santo. Ton pas oscille à peine
pendant que tu longes les murs du couvent, arrives à cette façade:
le numéro 19. La carcasse abandonnée, le morceau de squelette, la
porte entrouverte. Reste-là.

Une chambre, le lit défait. Quelque chose crie dehors : le soleil
déliquescent, les oiseaux qu’on ne voit pas. Les jeunes filles
croisées tout à l’heure. Volupté lointaine.
Tu es seul.

Par l’eau, retour aux origines. La mer immense, le vieux fleuve
souverain. La terre se mêle aux vibrations de l’eau, berce le
reflet incertain où tu te tiens. Annonce-t-elle un film qui demande
d’exister ?

Les rayons de lumière déchirent les murs, délitent la pierre,
fouillant dans ses entrailles. Va plus près dans la plaie. Elle est
à toi cette lumière éblouissante, à toi l’obscurité si pleine.
Une autre chambre. Un miroir suinte les heures d’absence. Les ombres
se densifient et le jour tout-puissant ne cesse de s’immiscer,
brûle l’air. Ta respiration.

Tu as donc regardé ce peuple. Mon peuple ? Celui à la voix de
volcans tendres, la chair où rien ne se retire ni ne se cache.
Tout est là, brutal et solennel.

Lagrimas. Malgré toi, ces images portent les larmes de la mère. Tu
as accompagné en silence l’homme qui offre son corps blessé dans
chaque coin de rue. L’austère géométrie des foyers s’est défaite
de l’intérieur.

Et tu reviens à cette façade, le numéro 19. Ses balcons
fermés, les portes épaisses et sombres. Celle-là et toutes
les autres. Tu peux presque palper sa peau craquelée. Entouré
de fantômes, étourdi par le ciel écartelé sur ton crâne.
Tu as oublié les prescriptions.

Violeta Salvatierra

Initialement publié dans le deuxième numéro de la revue Etoilements

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