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Cette lettre fut initialement publiée sur le site personnel de Robert Kramer www.windwalk.net mis en ligne avec l’aide de son ami John Douglas.
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les choses changent et ne changent pas. La même voiture qui vous a emmenés à la campagne, Bobbie et toi, nous a également pris en charge, la gosse et moi, à l’aéroport… et bien que l’on dise que le phare va être remplacé (par une balise plus efficace), j’ai mes doutes, car les choses avancent lentement ici, et encore plus à la campagne

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mais il n’y avait pas de raisins quand tu étais ici, où les vignes n’avaient pas encore de fruits. C’est cela : Erika n’a pas cessé de planter, elle est souvent en plein milieu des plantes, au point d’être inséparable du sol parmi les hautes herbes, et quelquefois, maintenant, tiens, prends ces raisins, des rouges et des verts, & allongé sur le lit, grignote-les, en lisant par exemple : avoir ses propres raisins, incroyable !

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et des objets (nos petites constructions, celles-ci, celles d’erika) qui offrent une petite (pieuse) protection dans un monde rempli non seulement de vie & de beauté, mais aussi du perpétuel danger qui en paraît inséparable : si bien que les deux mêlent offrande et requête, célébration et attention (prévenance)

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mais au départ, c’était (seulement) pour te parler des bancs, mais les bancs sont inséparables de la table, mon apprentissage

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l’un après l’autre, mais ton souvenir & celui de keja étaient très proches — mais pas aussi brut, aussi rustique — et le fini rouge dur que tu as mis sur le côté est super mais j’ai rarement la patience de peindre -poncer – peindre — poncer ( bien que les choses soient en train de changer : je ne vois plus cela comme de la patience (persévérance)’, mais comme quelque chose que je veux faire : donc il devient possible de le faire, tu vois que je veux dire ?)

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et sous l’herbe il y a des milliers de pièces, du monde entier (ramassées par erika, parmi toutes ces piles de pièces que nous avons tous) et qu’elle a plantées là, pour former un cercle d’abondance, dont on peut déjà voir qu’à sa manière il a porté ses fruits.

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donc c’est vrai, il y a l’idée d’améliorer son savoir-faire. J’adore travailler avec le bois. ça ne vient pas aussi facilement que ça, un peu comme quand on fait un film (quand on le construit). et j’ai finalement commencé à penser aux finitions : l’huile de lin, le vernis, la cire, les mélanger — apprendre quelque chose de plus. aller prendre du bois chez des amis : comme ce vieux morceau qui vient d’une grange du XIXe siècle (ci-dessus). et les outils : oh, un bon outil !

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donc je vois : une aquarelle que j’ai faite quand j’avais 12 ans, la lampe en vitrail qu’erika a fabriquée alors que nous faisions le montage de milestones, & que nous attendions la naissance de keja — une aquarelle de sarkis, un vase japonais de 277 park avenue, une aquarelle peinte par keja, des potirons de notre jardin. l’extraordinaire perlage sur lequel erika travaille en ce moment tout en écoutant la BBC très tard le soir — & le capitaine (un artiste à la tronçonneuse qu’on a rencontré dans les îles Keys de la Floride lorsqu’on préparait route one) : mon capitaine : un pilote & responsable de son navire……

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c’était après le tournage de « a line through time ». j’ai reçu un message : un cadeau est arrivé de la part d »indiens de bolivie ». une ‘mesa’, une accumulation de je ne sais quoi : des bonbons, de la graisse, des biscuits, le tout disposé sur un lit de coton ressemblant à une prolifération bactérienne. Tu fais un vœu, tu projettes ce que tu veux — on te l’offre, « un cadeau’ — et tu l’offres à ton tour, au feu qui le restitue à son état initial.

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un autre coffre aux trésors, de traces, de flèches qui vont et viennent à travers le temps :

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Bien entendu tu reconnaîtras la maison du lion, rien n’a beaucoup changé. bien que tu ne saurais pas que c’était le bol/vase de keja ou que tu ne reconnaîtrais pas les lunettes de soudage d’ukraine, ou le bouddha du vietnam, le paquet de sable de la baie des cochons, le couteau que m’a donné jane van loon, ou la carte postale de joseph conrad, autre capitaine de navire. est-ce que tu nous reconnaîtras erika et moi célébrant le nouvel an 1995-96, avec des masques d’oiseaux près de la rivière, ou les couloirs de l’hôtel de hanoi.

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même le dernier banc (ou table) ou autre, ne change rien, quoique j’aie prêté un peu plus attention et essayé de planifier un peu plus à l’avance, et j’ai découvert la laque noire, et les parties faites en chêne sont bonnes ! et le tableau de matt nous contemple, et il dit » que faites-vous ? non, vraiment ! » ce qui me laisse lourdement sous-équipé, en retard, ah les outils ! je crois que mon heure arrive.

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bien que cette machine à écrire utilise à présent des disquettes (au moins) et que je ne puisse pas me plaindre du magnétoscope Hi8 (qui possède 3 fonctionnalités), les résultats que j’ai obtenus avec la Hi8 numérique que j’ai utilisée pour « a line through time » sont super, et le banc de montage AVID est indispensable, et je veux avoir le courrier électronique, et donc (que tu le crois ou non) c’est le bon moment et je prends les mesures nécessaires et j’économise, et bientôt, une autre porte s’ouvrira.

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ouais, une autre porte et c’est ce mélange de choses qui est super — ce privilège de prendre et d’essayer et de faire des essais et de se tromper ou non & de payer ou non. tu partages aussi cela. c’est pour cela que je t’aime, et c’est très rare. « être moins lié, moins fixe, » et c’est quelque chose que de continuer à essayer, & d’être responsable de faire les récits qui lui donnent un sens que les autres peuvent partager. à bientôt, mon ami -
Robert




