La bataille de boules de neige surprise au détour d’une rue, en rentrant d’une journée de tournage de Broadway, m’avait redonné quelque énergie joyeuse. Je me rappelle avoir fait d’un geste cette courte lettre océan. Pendant le montage du film, je la regardais souvent.
Reprenant des notes, voici le 3 février 2010. Aller au plus simple possible, à l’essentiel. Silence. Ce silence qui dure lorsque tout à coup, alors que l’on parle avec quelqu’un, il se tait. Abrupt. Parce qu’on a parlé de quelque chose que l’on ne pouvait pas nommer. Parfois, ce n’est pas le silence, mais un changement brutal de sujet de conversation, où tout à coup l’ami se met à décrire le propre de la taille du bonsaï. La peur est là. Elle surgit de façon imprévue et n’a pas peut-être pas de raison d’être, sauf que, si jamais… On ne sait pas ce qui pourrait se passer ni à quel moment, on commence à échafauder des plans au cas où. La peur est là et engendre ses mécanismes de repli. Et il y a toujours ce silence, partout. Je me demande ce qu’il en est de la pensée. Je me dis qu’il faut ne filmer qu’une seule chose, trouver des images-mots. Le bruit des voitures est fou, bruyant et fort en permanence. Parce qu’il y a si peu de voitures qu’elles vont vite. Il n’y a pas de feu. Les rues sont grandes. La peur est là si on a quelque chose à cacher, j’ai l’impression que l’on s’efforce à ne rien avoir à cacher, alors à ne plus rien faire ni penser. Hier on un ami ne me fait plus confiance. L’enregistreur est éteint? Montre moi. Regarde, ça ne bouge plus. Silence. Non, donne le moi pendant que je parle. Comment raconter tout ça. Faut-il faire des images ?
Ce soir là, il ne neigeait plus, la température était redescendue bien en dessous de zéro, plus aucune voiture ne circulait, plus personne n’était dehors, sauf les enfants à cette sortie d’école. Des pas sur la neige, et des rires d’enfants, des boules de neige volant de toute part. Un tableau d’un autre temps et d’un autre espace.