Il y a une fenêtre
Il y a le vent qui souffle fort
Il y a le manque d’amour
Il y a le réel plus fort que tous
La caméra perce, scrute et tremble, tourmentée par le doute. Guidés, fondus dans le « truc » d’un plan subjectif, le regard et la voix d’un jeune homme caché à nos yeux.
Ce n’est pas la fascination d’un mystère non résolu qui préside au déroulement tranquille de Elle, moyen métrage français de Lo Thivolle, primé meilleur film lors de la 47e édition du Festival international du film de Laceno d’oro à Avellino. Mais plutôt, selon les jurés, une « sensibilité particulière à savoir évoquer […] aussi et surtout des angoisses universelles ». Celles-là mêmes qui sont contenues dans l’attente contemplative d’une rencontre.
Quel est le visage de l’amour ? s’interroge Thivolle. Est-ce le visage de la femme d’à côté – ou d’en face – qui encombre les pensées du protagoniste ? Ou bien est-ce son autre expression, transposition idéalisée et idéalisante des désirs de l’amant ? Est-ce, en définitive, la personne elle-même, la vraie, l’objet des désirs de l’amant ou l’image pirandellienne que ce dernier élabore mentalement en toute autonomie imaginative ?Le réalisateur tente de résoudre ce casse-tête philosophique en ouvrant – physiquement et métaphoriquement – différentes pertuis d’introspection ; Ces fenêtres quiencombrent le panorama intérieur de Elle et qui, tout en étant consciemment remplies d’une valeur historico-cinématographique inhérente à l’élément architectural lui-même, tendent à se détacher des nuances mystérieuses d’Hitchcock et des tonalités nostalgico-sentimentales de Welles (dansl’ouverture de Quarto Potere) et d’Edwards (la séquence avec Moon River dans Breakfast at Tiffany’s), pour acquérir une profondeur inhabituelle et devenir des habitats progressifs de la relation humaine racontée.Thivolle procède par étapes successives. La fenêtre du voyeur romantique cède d’abord la place à son pendant et, plus tard, aux volets d’une nouvelle habitation. Dans un jeu de manifestations architecturales (dis)similaires, c’est le théâtre d’une évolution amoureuse de l’homme qui reflète des choix éclectiques de solutions visuelles et de mise en scène. Du récit intime et diariste – avec un écho « wisemanesque » (Un Couple) – in absentia, au regard du protagoniste face à la caméra ; jusqu’à la mise au point finale, déguisée en interview amateur.Dans un ping-pong conceptuel parfois amer, mais extrêmement délicat, jamais victime d’une intellectualité stérile ; sans présomption de résolution, mais tout aussi salace, provocateur et surtout sincère : « J’avais peur de la réalité ».