On se sauve

Film de Mieriën Coppens, 2017

color, sound, digital, 10’

Les couloirs résonnent de pas ; les couleurs aussi. 
Les hommes montent et descendent des escaliers sans vraiment apparaître très longtemps dans l’image. 
Le son agite les silhouettes et les dote d’un mouvement rythmé.

Contact : coppens.mierien(arobase)gmail.com

On avait découvert le travail cinématographique de Mieriën Coppens avec Carry On (2017), un court métrage de douze minutes, presque muet (« Parce qu’il est focalisé sur des figures silencieuses bien que leur lutte soit très bruyante », carton de fin) tourné au cours d’une marche Bruxelles-Anvers-Malines de plusieurs collectifs belges de sans-papiers. Plutôt que de rendre compte de toute la manifestation, de la marche elle-même (dont le jeune cinéaste dit, dans l’entretien à Encontros cinematografico cité ci-dessus, avoir quatre heures d’images), Coppens préfère rendre compte de ce moment particulier, de cette parenthèse où la marche s’interrompt et où les corps exténués par douze heures de marche – et par des mois et des années de lutte – se reposent, où on se perd dans ses pensées et où on échange quelques mots. Déjà en 2017, Mieriën Coppens suivait la mobilisation des sans-papiers, en particulier celle du collectif La Voix des sans-papiers de Bruxelles, depuis pas mal de temps. Pas juste aux grandes occasions, aux manifestations. Mais au jour-le-jour, à la fois en ami et en cinéaste, entre autre lors des multiples déménagements forcés du collectif, de squats précaires en occupation autorisée mais non moins temporaire. Son film On se sauve (2017, coul., 10’) filmé dans le huis clos d’une cage d’escalier rend compte d’une de ses relocalisations forcées, « la dixième ou la onzième » se souvient le réalisateur. Si pour lui cinéma, amitié et engagement vont de pair, ses films sont à dix mille lieues du clip de propagande ou des dérives de nombreux objets audiovisuels militants qui oublient le cinéma en cours de route (expliquer, simplifier, convaincre). Ses films sont peut-être moins « efficaces » dans le contexte de la communication immédiate des luttes mais ils proposent des témoignages précieux, filmés presque de l’intérieur des collectifs, qui par leurs qualités cinématographiques résisteront à l’usure du temps.

La Maison (coréalisé avec Elie Maissin, 2019, NB, 25’), projeté ce jeudi soir à la Pianofabriek, reprend le beau noir et blanc 16mm de Carry On et l’unité de lieu de On se sauve. Dans l’exiguïté oblongue d’un couloir, le duo de cinéastes nous fait plonger sans préliminaires, sans introduction, dans une réunion du collectif, dans une assemblée où il s’agit de resserrer les boulons en termes de sécurité du bâtiment… et de préparer un projet énième déménagement. Les avis s’échangent, parfois tranchés mais toujours respectueux de la parole de l’autre et du bon déroulement de la réunion. L’autogestion et la démocratie directe se déploient devant nos yeux. Jusqu’à envisager de débattre pour accorder une deuxième chance à l’un d’entre eux, mis à la porte trois mois plus tôt pour déprédations et non-respect des règles de la collectivité. « Tout le monde mérite une deuxième chance » ; « ça sera La Maison qui décidera ». ici, La Maison représente en effet beaucoup plus qu’un bâtiment, qu’un objet architectural ; c’est aussi – surtout – un collectif, une entité humaine à plusieurs corps. La fin du film, moment d’ouverture, de rupture du huis clos, de dispersion et de mise en mouvement est particulièrement belle elle-aussi.

Philippe Delvosalle

 

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