R.M. Rilke, Les carnets de Malte Laurids BriggeDepuis presque un demi-siècle, Stephen Dwoskin sonde inlassablement le rapport au modèle, au désir et au mouvement des corps. A travers ses films, il convoque le spectateur à partager l’intensité du regard – le sien – et à pénétrer au plus près de la relation à l’autre.
Caméra-relation
Stephen Dwoskin est né le 15 janvier 1939 à New York. Son grand-père russe était danseur et voulait que Stephen le devienne également.
A l’âge de neuf ans, Stephen Dwoskin est atteint de la poliomyélite. Ses déplacements deviennent difficiles et demandent désormais une aide appareillée.
A l’hôpital, il commence à peindre pour illustrer des livres. En sortant, il débute la photographie puis étudie le design et la peinture.
Le cinéma viendra plus tard, en 1961, lorsque Stephen Dwoskin filmera les pieds de sa femme et réalisera son premier film, Asleep.
L’immobilité physique du cinéaste va donner forme à son cinéma. A l’aide de la caméra, il va explorer l’espace qui l’entoure et se déplacer avec les yeux. Chez Stephen Dwoskin, le désir du film est souvent le désir de la rencontre avec l’autre. Il réalise ses films avec ce qu’il nomme les « performeurs ». Des personnes qui ont accepté, par un contrat avec lui, de prendre le risque du cinéma.
Ce que fait le temps…
« Pour moi, faire des films c’est éprouver cette même excitation devant la vie, quand bien même la mort rôderait autour, en ricanant. »
Stephen Dwoskin
Stephen Dwoskin cite volontiers les soliloques de James Joyce comme inspiration fondamentale pour sa démarche.
Ses films donnent souvent à voir un processus où le regard insistant du cinéaste, travaillant avec le temps (Moment, Trixi, Behindert), guette les changements de ses performeurs, le moment d’abandon qui ouvre de nouveaux espaces pour le filmeur et le filmé (ou plutôt la filmée).
Une expérience où il est question de relation, de liberté, et de ce qui échappe au contrôle.
Le programme présenté propose des oeuvres d’époques différentes et de facture variée, en pellicule 16mm et en vidéo, que Stephen Dwoskin pratique depuis le milieu des années 90. La découverte de la vidéo légère a donné un nouveau départ à son cinéma. Là où l’écoulement du temps « réel » a été au centre de ses films jusqu’alors, la malléabilité numérique lui a permis de nouvelles explorations (The Sun and the Moon), pour créer un temps plutôt mental, à partir d’images superposées ou juxtaposées. Par ailleurs, il s’est aussi penché sur ses archives et sur celles de sa famille, tissant avec elles des oeuvres de réminiscence (Dad). Une installation sur trois écrans (Dream House) réunit des chutes de ses films récents pour peupler la maison du cinéaste.
Nous avons voulu pratiquer deux premières dérives à partir de cette sélection des films de Stephen Dwoskin. Nous nous sommes souvenus de quelques films de Téo Hernández, de sa caméra si mobile et désirante. Ainsi nous présentons Pas de ciel, qu’il a réalisé avec le danseur et chorégraphe Bernardo Montet. Aussi, on nous a parlé de Catherine Corringer, de ses films autour de rituels corporels et sexuels qui travaillent le trouble dans le genre. Nous projetterons donc son dernier film Smooth.
Vendredi 29 janvier
20h
MOMENT
1968, 12 min, 16 mm, couleur
Rouge. Le temps d’une cigarette.
DAD
2003, 15 min, Beta SP, couleur & NB
La filiation
Hommage au père. Montage d’archives.
BEHINDERT (HINDERED)
1974, 96 min, 16 mm sur Beta SP, couleur
Le couple.
La femme aimée, actrice et amante. Un homme, le cinéaste, sur ses béquilles ne la quitte pas des yeux. Journal intime.
23h
PAS DE CIEL
de Téo Hernández
1987, 29 min, 16 mm, couleur, silencieux
Danse.
Un homme. Le vent. La mer. Le sol. « Intensité. Vide. Mouvement »
SMOOTH
de Catherine Corringer
2009, 23 min, BETA SP, couleur & NB
« Voyage dans et sur les corps, il réinvente autrement, littéralement, la naissance et la sexuation. »
Samedi 30 janvier
22h
TRIXI
1969, 30 min, 16 mm, couleur
La rencontre.
Jeux de pouvoir cinématographique.
THE SUN AND THE MOON
2007, 60 min, Beta SP, couleur
Sacrifice. La belle et la bête.
A partir de minuit
DREAM HOUSE
2009 – Installation sur trois écrans
La maison.
La multiplication des corps.
Photographies de l’installation par Eric Pellet