Et si le canal c’était la mer ?

Film et texte de Jean Pierre Daniel, 1984-2022

Le CMCC et lAGAM présente
Et si le canal c’était la mer ?
Réalisation JP Daniel
Aide de Marie Hélène Laroche Jean André Cristofol Didier Sain
Jean-Pierrre Ruh
Musique d’André Jaume.
Laboratoire Telcipro
S8 mm gonflé en 16 mm par TOV Auditorium du CMCC
durée 21 minutes

1984

1- Parcourir le Canal de Marseille, seul, une caméra super 8 mm sonore à la main, au moment où la Société des Eaux de Marseille commence les travaux de sa mise en buse, faisant disparaître la circulation de l’eau à ciel ouvert.

2- Répondre ainsi à une commande institutionnelle de l’Agence d’Urbanisme de l’Agglomération Marseillaise faite à René Allio et au Centre Méditerranéen de Création Cinématographique.

3- Monter et mixer avec les nouveaux outils de la chaine super 8 du CMCC à Fontblanche.

4- Avec la musique d’André Jaume, ricocher sur ma propre vie.

En dire un peu plus…

En 1984 Le Centre Méditerranéen de création cinématographique ( CMCC) initié par René Allio vit son année charnière, passant des utopies possibles au naufrage.

L’art cinématographique peut-il naître en dehors des logiques de la production industrielle des films et de leur diffusion commerciale ? La tentative de René Allio et avec lui celles de tous ceux qui l’ont suivi, s’est enfermée dans ces logiques, poussée par les institutions publiques du soutien au cinéma comme le CNC.

Je n’ai pas su trouver, dans ce contexte, le chemin d’une création libre de ces contraintes.

En 1983, L’Agence d’Urbanisme de la Ville de Marseille ( l’AGAM) commande au CMCC un court métrage pour documenter le débat qu’ouvrait le projet de mise en buse du Canal de Marseille sur le territoire de la commune.

La disparition de la circulation de l’eau brute à ciel ouvert permettait certes une sécurisation de l’ouvrage traversant les grandes cités du Nord de la ville et une gestion technique moins onéreuse, mais elle avait un impact très important sur l’hygrométrie des espaces autour de ses berges et leurs usages de loisirs par la population.

Le débat était vif au sein même de l’Agence et René Allio y prenait part volontiers.

Préparant son prochain film Le Matelot 512, il m’a proposé de réaliser le film au nom du CMCC.

A la recherche de solutions de création cinématographique adaptées au projet du CMCC, à son économie et à sa volonté de permettre des tentatives initiées par de jeunes débutants ( « les commençants » disait-il ) il a fait l’hypothèse de la mise en œuvre d’une chaîne de production de films au format super 8mm, du tournage à la post-production. Les copies finales étant prévues par un gonflage des films en 16mm, permettant leurs diffusions dans les festivals et sur les chaînes de télévision.

Je m’étais totalement investi sur ce projet, d’autant plus qu’il ouvrait une collaboration avec mon ami Jean Pierre Ruh qui était tout à la fois un des grands chefs opérateurs du son du cinéma Français, défendant les techniques du son direct, et un ingénieur créant son propre matériel avec sa société Elison.

Atelier super 8mm du CMCC. 1984.

vue de la salle de montage super 8mm du CMCC où l’on voit la table de montage super 8mm / 16mm Saft et les deux défileurs Elison16 et 35 mm (6 pistes) synchronisés.
Cet ensemble pouvant être piloté depuis la salle de projection attenante pour permettre le mixage des films. ( image du film Et si la canal c’était la mer ?)

J’ai dit à René Allio, je fais le film mais je le fais seul, en super 8mm de bout en bout…

Ce fut ma vie quotidienne de cette année-là. Seul, marchant le long du canal avec la Beaulieu super 8mm du CMCC et un magnétophone portable Uher. Mettant en marche mes outils selon les rencontres, les découvertes des espaces de cette lisière de la ville. Un canal qui termine son chemin au sud de la ville, au pied du massif de Marseilleveyre.

La marche fait ressurgir les souvenirs et attise toutes les tentions au-delà de la parole. Une solitude peuplée des proches et de ceux qui manquent. La colère aussi devant l’anéantissement de traces du vivant. Le jeu de l’eau libre enfin maitrisée par des buses mécaniques comme dans mon Oncle de Jacque Tati.

Un long tournage, un long montage, les improvisations d’André Jaume et un premier mixage à Fontblanche avec Didier Sain.

Peut-être finalement un film burlesque. Et si le canal c’était la mer !


Jean Pierre Daniel, avril 2022
Contact : jpdaniel(arobase)orange.fr

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