Le Singe de la lumière

Film de Érik Bullot, 2002

16 mm couleur – 23 min – 2002

Montage, réalisation : Érik Bullot. Image : Catherine Pujol. Son : Jean-François Priester. Conseiller musical : Arnaud Deshayes. Musique : Mozart, Bach, Kurtág. Musique originale : Ernest H. Papier. Mixage : Emmanuel Croset. Interprétation : Dominique Aubert, Elsa Balas, Jean-Claude Chapuis, Sophie Deshayes, Charlotte et Félix Lesage, Valérie Philippin, Françoise Rivalland, Thérèse Rouillon, Marie Vicart.

Le scénario du film

Cinéma indirect

Extrait d’un texte de Patrick Javault, 2004

Si Le Singe de la lumière est un film didactique, ce n’est pas parce qu’il nous raconterait l’histoire des rapports du visuel et du sonore depuis trois ou quatre siècles, mais parce que sa forme entremêle des fragments de leçon et des formes d’expérience, qu’il est aussi une manière de réapprendre à parler la langue du cinéma en prenant la mesure des rapports entre sons et images. Il ne craint pas pour cela d’aller du plus loin au plus près, de sauter d’images naïves à des formes troublantes. La façon dont à trois reprises au cours du film, Bullot reconduit la figure de l’auteur n’est pas indifférente. Tout d’abord romantiquement à l’écoute de sa voix intérieure, puis dictant absurdement à une sténographe une définition de la sténographie (la place du patron, par jeu, mais aussi bien sûr pour faire apparaître cette écriture si rarement vue à l’écran) et enfin, clôturant un exercice de récitation avec retour de voix en léger différé. D’un admirateur de Michael Snow, et de Rameau’s Nephew (1974) en particulier, la rencontre avec l’expérience déréalisante de l’enregistrement ne pouvait être éludée. Autre série (la dernière que j’ose) : le passage d’un discours de culture venu des Lumières à un bégaiement. Dans sa célèbre vidéo Boomerang (1974), Richard Serra avait demandé à Nancy Holt de tenter l’expérience en essayant de la décrire, celle-ci avouait un ralentissement de sa pensée. Ce dispositif était emblématique des théories sur la vidéo, en plein essor, toujours plus ou moins envisagée comme un art du direct opposant sa vérité électronique en continu au mensonge du cinéma. Dans le scénario mis en place par Bullot, il s’agit de faire lire à des étudiants un texte qui mixe des citations de Kleist et une description du dispositif et de ses effets. Comme pour un casting, différents cobayes s’y risquent et c’est le cinéaste lui-même qui vient clore l’exercice et s’avère le plus bouleversé. Dans ce cas-là, c’est à qui perd gagne puisque, en ne parvenant pas à articuler les phrases que ses étudiants arrivaient à peu près à faire entendre, il offre la plus belle incarnation d’une parole soufflée, se ravalant dans le même temps qu’elle s’échappe. Bien au-delà du bégaiement kleistien, une sorte d’accomplissement magnifique, qu’un sursaut de reprise de soi vient conclure : “ coupez ”.

Patrick Javault, Cinéma indirect, in Vertigo, Points d’écoute, n°27, 2004, extrait.

www.lecinemadeerikbullot.com

 

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