J’ai des ombres

Film de laurent thivolle et caroline beuret, 2010

48 minutes – DV Cam
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Nicolas (Humbert) nous dit :
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Regard à l’intérieur d’un monastère.
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Ces rites du quotidien qui se réalisent toujours de nouveau, jour après jour. 

Nous, comme spectateurs, devenons partie de ces rites et de 
l’atmosphère intime qui est juste là d’une manière très naturelle, simplement parce que vous êtes là. Ta présence 
ne dérange pas du tout cette atmosphère mais rend visible le processus de la création des images que nous 
voyons.
_ La vie et la dignité des gens qu’on regarde vit de leur simplicité, de leur silence et des traces de leur vie 
qu’on peut sentir dans chaque mouvement qui est visiblement un effort pour eux.
_ Est-ce qu’ils sont heureux ? 
Est-ce qu’ils étaient heureux de temps en temps ? Ou est-ce que leur vie continue au delà de ces questions ou 
catégories ? Ce sont les questions que je me suis posées.

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Mario (Brenta) nous écrit :
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Comme s’il y avait chez les personnages (personnes), dans la dernière partie de leur vie, une tentative de ralentir le temps, voir de l’arrêter.
_ L’asynchronisme des voix par rapport aux images me semble aussi quelque chose de réussi dans le but de souligner l’effort de la récupération de la mémoire et de comment les souvenirs arrivent à s’inscrire dans le temps présent.
_ Présences toutes réelles et phantômatiques à la fois (longues surimpressions d’images, voix hors-champ…) qui se croisent quasiment immobiles dans cette maison filmée comme un grand carrefour de leurs vies, de la vie.
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A la Maison Folie de Tourcoing, au Sémaphore, ils nous ont dit :
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On s’est dit :
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De la familiarité à l’étrangeté
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Se faire comme appartenir à ce qu’ils vivent au quotidien pour saisir des jeux et les enjeux de leur vie à trois, de leur vie maintenant, de nos rapports à la vie « ici et maintenant » !
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Leurs images et leurs bruits sont donnés comme étrangers, par l’ambiance.
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Des actes et des dires qui se répètent, se ressemblent et s’entrechoquent.
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Filmer comme une volonté d’épuiser le temps, leur temps.
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Chercher à atteindre l’indicible.
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Leur présence nous est étrange.
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Quotidien millimétré où l’attente d’une vie qui se termine occupe tout l’espace.
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Amputé d’un sens tel la vue, l’ouïe ou la mémoire.
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Ils comme des paysages, des moments même pas partagés.
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Comme un souffle, « à bout de souffle ».
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Dans ces moments là, l’on respire à peine !
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Comment entendre et voir, dans le noir ?
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La première fois c’est au printemps.
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Leurs vies, entremêlées.
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Dans cet appartement sans horizon avec, comme seule fenêtre, la télévision.
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A eux trois ils sont un corps, et seulement ainsi.
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Au fil du temps ils se font à ma présence.
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Quelquefois ils ne voient pas la caméra.

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Quelquefois je m’éloigne de la caméra qui continue de tourner.
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Le temps à passé, et je suis le présent de leurs passés.
Je les écoute, ils me parlent.
Je ne parle jamais le premier comme une règle, comme une façon de laisser ma présence faire acte de leurs paroles.
Je fais des entraves à cette règle.
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La re-création d’un lien perdu à travers l’épreuve du temps
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A l’occasion de chaque nouvelle saison.
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Je pose ma caméra sur son pied, à des emplacements précis.
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La caméra est fixe, les plans définissent un espace théâtrale, plusieurs scènes, celles de leurs vies.
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Les sons hors-champ nous font découvrir la vie de l’autre côté.
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Résistance à ce temps qui passe lentement, cette mort qui approche doucement.
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Résistance à leur présent et à « l’a-venir ».
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L’attente de l’après comme signe de résistance dans ce présent.
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Le passé comme vécu, là où ils ne font plus toujours corps.
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Cadrer comme le faisaient les frères Lumière, en regardant la vie que l’on filme, et non pas en regardant la matière qui s’imprime, à travers l’œilleton de la caméra.
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Un temps compté où l’on se fais une petite place, où plus rien n’a d’importance que ces instants de vie, insoupçonnables éclairs qui nous éloignent de la mort pour côtoyer l’absurdité d’une vie, de la vie, et s’assurer de sa nécessité.
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Métamorphoses de la perception comme expression d’une relation.
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« Quand vous filmez, si vous savez voir, la laideur n’existe pas! Même si une âme est affreuse, il reste quand même dans le corps quelque-chose. Ce que vous appelez doux. »
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Danièle Huillet
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Les sons du quotidien comme de la poésie sonore.
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Atteindre des moments de peintures de leurs visages et de leurs corps, de cette rencontre.
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Endurer ce temps et cette relation qui de nouveau glisse dans les bruits et les images d’un temps à saisir, d’une histoire à écrire.
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Empreinte des impulsions qui l’on construit, il manifeste ses lignes de fracture, trame des éléments étrangers, et construit son clair obscur.

Quand il y apparaît une certaine violence, celle-ci naît d’avantage des rapports de construction, du caractère abrupt des rencontres et des passages, qu’à la description des émotions.
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Les souvenirs sont à la surface des images, dans la profondeur des sons.
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Ils se superposent, se posent, s’entrechoquent.
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Ils ne sont pas uns, ils sont multiples, flous et contradictoires.
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Le film est monté comme cela.
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