Ouvrir la caméra Bolex H 16 : le paysage de l’invention

Tournage avec Alexandre Favre (de dos), Yves Bornant, Vanessa Nicolazic.
Document filmé de Vincent Sorrel, 2024

Si l’Autociné conçue par Jacques Bogopolski, dit Boolski, est la première caméra Bolex, c’est bien la Paillard Bolex H 16 conçue par Marc Renaud entre 1931 et 1935 qui a été produite pendant plus de quarante ans, et vendue dans le monde entier. La caméra 16mm est devenue l’outil de prédilection des amateurs comme des cinéastes expérimentaux intéressés par l’exploration des potentialités de la caméra, comme celles du cinéma, grâce à la technicité de la machine. Comment cette caméra « amateur » a-t-elle été conçue ? Sur quelles techniques et savoir-faire repose sa fabrication ? De quoi Boolski est-il l’inventeur ? Qui invente la caméra ?  Qu’est-ce qui relève de Boolski, ou de de Marc Renaud, le jeune ingénieur en hydraulique embauché par Paillard S.A. quand la société a racheté les actifs de Bolex ?

La démarche épistémologique consiste à ouvrir les caméras, les démonter et filmer leurs dispositifs mécaniques en fonctionnement. Ouvrir les appareils permet d’analyser et de restituer les différences de conception, leurs apports et interroger la notion d’invention. C’est également une opération qui ouvre un espace pour déployer et étudier des pratiques singulières, dans une articulation entre technique et esthétique. La première Bolex a fait l’objet d’un dépôt de brevet, mais c’est la caméra industrialisée par Paillard qui présente une conception originale sans avoir fait l’objet d’aucun brevet. Pourtant, c’est la plus expressive des deux : beaucoup de cinéastes en ont fait leur outil de prédilection au point de concevoir des œuvres originales qui ne peuvent être réalisées qu’avec cette caméra.

L’étude de l’expressivité de la Bolex m’a permis de réévaluer l’invention au regard des critères historiques habituels (brevets, inventeur patenté) et d’explorer l’idée d’un paysage de l’invention (J.C. Beaune) dans un texte à paraitre qui s’intitule Du mythe de l’inventeur au paysage de l’invention. De la Bolex à la Bolex H 16, in « Les pratiques amateurs. Éclaircies du cinéma » (dir. Jacopo Rasmi, Rodolphe Olcèse, Valérie Vignaux) aux Presses universitaires de Caen en 2025.

Bibliographie :
Vincent Sorrel, « Paradoxes, antagonismes et expressivité de la technique. La Bolex H 16 et la Bolex 150 », in Cinéma et machines dirigé par Laurent Le Forestier, Gilles Mouëllic et Benoît Turquety, éditions Garnier classiques, Paris, 2020.
Vincent Sorrel, « Le bruit blanc de la caméra : une réalité vibrante et colorée », in Johan Van Der Keuken : documenter une présence au monde, dirigé par Antony Fiant, Gilles Mouëllic, Caroline Zéau, Yellow Now, 2019.
Mais aussi, à propos de la pratique de Rose Lowder avec la Bolex : https://www.cinemadureel.org/cahiers-du-reel/rose-lowder-et-sa-camera-agricole/

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