Entretien avec Peter Watkins sur la Monoforme

2001

Bonjour, je m’appelle Peter Watkins, et je me trouve avec des amis et membres de ma famille à Gruto Park qui se situe à deux heures de route au sud de Vilnius en Lithuanie. C’est d’ailleurs un parc à thème assez spécial, comme vous avez pu le remarquer dans ces images. Un entrepreneur lithuanien fouilla les terrains vagues de Vilnius il y a quelques années, rassemblant toutes les statues de Lénine, Marx etc., qu’il pouvait trouver pour les amener sur ce terrain marécageux du sud de la Lithuanie et a construit ce parc à thème consacré à l’ère soviétique. Cette idée n’était pas du goût de tous les lithuaniens, bien sûr, puisque la Lithuanie était un état enrôlé de force dans l’Union Soviétique jusqu’en 1991. Pour nombre de Lithuaniens, il est intolérable de placer les statues de ces meurtriers dans un cadre aussi enchanteur –oiseaux, arbres lithuaniens– mais je pense –ou plutôt j’espère– que d’autres voient ça comme un support de réflexion sur l’incroyable folie de l’homme et de l’histoire de l’humanité et de ses éternelles répétitions.

Il est possible que, ailleurs en Lithuanie ou quelque part en Europe, dans quelques années, l’on trouvera un parc à thème consacré à la mondialisation avec ses reliques pathétiques. Les gens regarderont ces choses avec un œil tout aussi perplexe. Vous savez tous comment le système soviétique se maintenait grâce à un système extrêmement efficace de terreur, de propagande, de complicités, de pouvoir, de peur. Qu’en est-il du système actuel, qui est certainement aussi stupide que le système soviétique ? Ce système a coûté la vie à des millions de personnes. De même aujourd’hui la mondialisation à un coût humain très élevé, par négligence, exploitation … vous savez tous ce qui se passe. Et qu’est ce qui maintient ce système en place ? Que trouverait-on dans un parc à thème sur la mondialisation ? Pas des statues de Marx ou Lénine mais certainement des banderoles publicitaires pour McDonalds, des vitrines remplies de téléphones portables, et très certainement un poste de télévision, probablement installé sur un très grand piédestal. Parce que je crois –et j’espère que de plus en plus de gens en sont convaincus– que le système actuel –on peut l’appeler comme on veut, le marché néo-libéral, j’ai choisi de l’appeler mondialisation– n’est pas maintenu en place par le même type de terreur, du moins pas dans nos confortables sociétés européennes, mais est maintenu au pouvoir par les mass médias, propageant, encourageant et diffusant sans cesse son soutien au développement incontrôlé de la société de consommation. Cela est fait de nombreuses manières, souvent de façon subtile et insidieuse, mais au vu de notre passivité, de manière très efficace. Et dans un sens, en ce moment même nous participons à ce processus alors que je vous parle, et je m’en excuse, mais au moins pouvons-nous utiliser cette occasion pour identifier ce processus hiérarchique dont je me sers pour vous parler.

Je ne sais pas où vous allez voir ces images, peut-être sur un poste de télévision –j’espère sincèrement que non– ou dans une salle de cinéma ou dans une école. Et vous serez assis là, à me regarder. Mais ce n’est pas de la communication. Nous appelons cela la communication de masse, mais cela n’a rien à voir avec de la communication. La communication –vous pouvez vérifier dans le dictionnaire si vous ne me croyez pas– est un processus dynamique à double sens, on donne et on échange. Au contraire, la communication de masse est systématiquement conçue à sens unique, du producteur vers le spectateur. Toujours ! Ce n’est pas de la communication, il faudrait que l’on trouve un autre terme. Par contre, il s’agit bien de manipulation. Et d’un rapport hiérarchique que je vous impose. Au moins, j’essaye d’en parler, ce qui ne change rien au fait que cela reste un rapport hiérarchique. Excusez cet espèce de préambule ; je crois que ce parc à thème nous aide à aborder la question de notre histoire. Nous sommes dans notre histoire aujourd’hui, même si un nombre croissant de gens, particulièrement les jeunes malheureusement, sont en train de perdre leur histoire ou ne la découvrent jamais. Nous appartenons tous à l’histoire ; c’est un processus en mouvement perpétuel.

En 1871, un grand nombre de citoyens parisiens se sont soulevés contre le régime autoritaire et corrompu qui les exploitait. Une Commune de Paris fut créée qui dura 2 mois, de mars à mai 1871. Il y eut 5 ou 6 autres Communes, notamment à Marseille et à Lyon, mais ces dernières furent écrasées très rapidement. La Commune de Paris survécut deux mois, malgré des conditions très difficiles, avant d’être brutalement écrasée par l’armée française. Sous les ordres de ses généraux les plus gradés, l’armée française massacra environ 30.000 hommes, femmes et enfants dont de nombreuses personnes qui n’avaient absolument aucun lien avec la Commune, massacrés dans les rues de Paris. Certains furent contraints à l’exil, d’autres envoyés en prison, la plupart furent tués sur place. Voilà l’histoire, l’est-ce vraiment ? Les mass médias français sont très discrets sur la Commune de Paris et on en entend rarement parler. Il existe bien quelques films, peut-être 20 ou 30 documentaires –ce qui peut paraître beaucoup, mais surtout des moyen métrages– rarement diffusés ou à une heure très tardive, et rarement débattus. Le système éducatif français, pour sa plus grande honte –je ne pense même pas qu’il mérite le nom de système éducatif– a occulté, comme le disent les Français, ou marginalisé la Commune de Paris depuis plus de cent ans. L’on ne trouve que quelques lignes dans les manuels d’histoire français. Donc notre relation à l’histoire est très fragile, un peu comme la paroi d’une falaise sur laquelle on glisse en tentant de s’y accrocher.

Je crois que toutes ces réflexions et préoccupations m’ont porté vers le sujet de la Commune de Paris –un sujet fascinant. Une histoire de résistance, d’engagement, de sacrifice, de foi en une utopie, d’engagement personnel ultime autour d’idéaux pour lesquels l’on était prêt à donner sa vie– ce qui n’est pas vraiment le type d’engagement le plus répandu dans notre culture occidentale, c’est le moins que l’on puisse dire. J’ai donc réalisé ce film avec l’aide de plein de gens, ou plutôt nous avons fait ce film La Commune. Ce film est très important pour moi, parce qu’il ne traite pas seulement de ce formidable sujet qu’est la Commune. Il parle de la crise des mass médias audiovisuels –la télévision, le cinéma, la radio. Il porte, indirectement, sur la crise dans l’éducation aux médias où les enseignants sont censés apprendre à décortiquer la nature des médias et de l’énorme industrie qu’ils représentent. Le film tente d’aborder ces questions, et par son processus et sa forme essaye de proposer des alternatives aux processus en œuvre dans les médias actuels.

Ce film, ces crises, la mondialisation, les médias, nous impliquent tous. Ils impliquent les professionnels des médias actuels, les responsables des chaînes et des programmes, les réalisateurs, les producteurs, qui à de rares exceptions près sont totalement complices de ce processus autoritaire ; qui ne font que se plier aux demandes des requins du pouvoir télévisuel global, qui refusent de remettre en cause ce que j’appelle la Monoforme, c’est-à-dire, la manière de découper les films en minuscules petits bouts : cut cut cut toutes les 3 à 5 cinq secondes avec un bombardement incessant de sons, une caméra en perpétuel mouvement. Je pense que vous connaissez tout cela, mais il est important d’y voir une forme narrative organisée. Ceci n’a rien à voir avec la complexité et la gamme de possibilités offertes par le cinéma ou la télévision en tant que support de création ou d’expression artistique ou comme forme de communication. Cette chose, la monoforme, est devenue LE format obligé structurant tous les films télé et quasiment l’ensemble de la production du cinéma commercial. Cut, mouvement, secousse, Bing, Bang, cut, cut, cut. Et le montage est de plus en plus rapide, c’est presque comme les clips sur MTV. Cela non plus, n’a rien a voir avec de la communication. Cela ne permet pas aux spectateurs de participer vraiment. Vous êtes entraînés à travers cette structure narrative mono-linéaire par ce formatage frénétique et manipulateur : la Monoforme ; qui est employée délibérément parce qu’elle ne nous laisse pas le temps de penser ou d’espace pour une participation démocratique permettant une remise en cause ou un questionnement. Ceci est un acte délibéré. Comme me le faisait remarquer aujourd’hui un ami, un poster de Lénine –dont vous avez peut-être vu le portrait– stipulait que la forme artistique la plus importante était le cinéma. Mussolini, je crois, avait dit que le cinéma est l’art le plus puissant. Ai-je besoin de mentionner Goebbels, dont l’emploi de la radio jouait un rôle très spécifique dans le maintien au pouvoir du 3ème Reich et qui a dit quelque chose de similaire. Je pense qu’il faisait référence à la radio, mais il pensait probablement également à la télévision qui était en cours de développement en Allemagne nazie, et il y avait aussi le cinéma. Les cinémas projetaient les actualités allemandes sur la guerre : l’invasion de la Pologne en est un exemple typique. Ils envoyaient les caméramans de la Wehrmacht avec les soldats en première ligne, qui filmaient l’assaut sur Danzig par exemple. Puis ils dépêchaient les négatifs aux laboratoires à Berlin ou ailleurs et les copies étaient acheminées par camion à travers toute l’Allemagne, et un ou deux jours après les événements, les Allemands pouvaient voir les actualités. Goebbels connaissait l’efficacité de ce système pour consolider le pouvoir. Il a prononcé des phrases assez incroyables disant que ceci représentait le véritable moyen pour frapper le cœur des gens.

C’est ce que nous faisons aujourd’hui avec la Monoforme, en figeant délibérément et continuellement des millions de personnes devant leur écran, le petit écran de la télévision ou le grand écran du cinéma, figés dans cette relation autoritaire … Et le public marche à fond dans la combine. Rien qu’aux Etats-Unis –je n’ai pas les données pour l’Europe– et pour reprendre des chiffres de 1998, le public nord-américain avait dépensé 50 milliards de dollars au box office. Vous vous rendez compte, 50 milliards de dollars en une seule année dépensés par le public pour se distraire, se divertir, passer le temps, du bon temps. Et vous connaissez comme moi l’énorme coût de la mondialisation pour l’humanité. Pour donner un exemple, je n’ai pas les chiffres précis sous la main, mais je crois qu’il y a 32 millions de malades du SIDA dans les pays en développement qui n’ont pas les moyens de s’offrir un traitement médical à cause des industries pharmaceutiques, etc. Imaginez ce que l’on pourrait faire avec ne serait-ce qu’une portion de ces 50 milliards de dollars dépensés pour un flot ininterrompu de merde audiovisuelle ? Les vies qui pourraient être sauvées ? Existe-t-il un débat sur cette question que ce soit au sein de ma profession ou dans les écoles avec les enseignants ? Bien sûr que non. Y a-t-il un débat sur la Monoforme ? Y a-t-il un débat sur le processus réactionnaire, autoritaire et totalement anti-démocratique qui caractérise les médias actuels ? Bien sûr que non. Comme je le disais, la plupart des professionnels des médias craignent trop de sortir du rang, de peur de perdre leurs budgets. La peur est phénoménale dans le cinéma mais surtout dans la télévision d’aujourd’hui. Et vous pourriez m’accompagner dans n’importe quelle salle de classe, en France, en Angleterre, en Lithuanie ou en Amérique du Nord, peu importe. Vous y trouveriez très rarement des jeunes qui savent quoi que ce soit sur la Monoforme ou les véritables possibilités de communication qu’offrent le cinéma ou à la télévision. Vous y trouveriez plutôt des étudiants qui ont totalement perdu leur histoire. Il ne savent probablement même plus qui était le président Kennedy, je ne rigole pas ! Et de plus en plus, les enseignants, qui devraient être au courant de cette situation puisqu’ils font partie du problème, sont en relation avec des étudiants qui n’ont aucune idée du contexte historique de la première ou deuxième guerre mondiale, et qu’un vague souvenir du personnage de Kennedy.

Un Allemand, excusez-moi je ne suis pas sûr qu’il soit allemand, un journaliste a écrit un article paru dans un quotidien il y a quelques semaines, encore une fois je ne sais pas s’il était allemand ou américain mais cela n’a pas d’importance, il a écrit ceci : « Je suis récemment retourné à Austin au Texas après avoir enseigné dans des universités à Berlin et à Cologne. J’étais habitué aux réactions d’indifférence des étudiants américains face aux histoires d’étrangers attaquant des McDonalds ou dénonçant la domination du marché international du film par Hollywood. Les étudiants américains vivent dans le ventre de la bête globale et ils sont donc un peu perdus face aux dénonciations de l’impact culturel américain sur le monde, mais à ma grande surprise, j’ai rencontré la même complaisance vis-à-vis de la mondialisation de la culture américaine parmi les étudiants allemands. Ils sont à l’aise ou du moins résignés par rapport à l’omniprésence de la culture globale. Ils ne se soucient pas du fait que leur langue soit corrompue par des mots anglais ou que leurs goûts soient formatés par les grosses productions Hollywoodiennes ni que leurs librairies de quartier soient menacées par amazon.com. Ils n’ont que peu d’ancrage dans leur passé culturel, et n’envisagent pas non plus d’alternatives au monde globalisé dans lequel ils vivent. Ce ne sont ni des rebelles ni des conservateurs. Les jeunes ne font que hausser les épaules. » Et plus loin dans l’article le journaliste ou enseignant poursuit : « la majorité des jeunes allemands et américains » –et il pourrait évidemment ajouter nombre d’autres pays à cette liste– « ont peu d’intérêt pour la politique. Et ils ne sont pas préoccupés par ce qu’ils voient sur leurs écrans, de cinéma, de télévision ou d’ordinateur. Ils constituent donc la première génération peu susceptible de protester contre la propagation de la mondialisation que ce soit sur le plan économique ou culturel. » Bien sûr, ceci est une déclaration discutable, car comme tout ce qui concerne ce monde complexe, le vrai côtoie le faux. Il y a un nombre important de jeunes, Dieu merci, qui rejoignent les mouvements de protestation contre la mondialisation et il est très important de souligner ce point. Toutefois, comme le ying et le yang qui s’équilibrent mutuellement, je pense que malheureusement ce qu’écrit cet enseignant est en même temps très juste. Si l’on devait généraliser, une large majorité d’étudiants sont en train de perdre leur histoire. Et sont poussés, forcés, manipulés ou plutôt encouragés à jouer un rôle de plus en plus passif dans cette société. Et ceci devrait tous nous préoccuper au plus haut point.

Avant de terminer dans un instant en revenant sur le film La Commune, je voudrais juste dire quelques mots sur le rôle des militants et de ceux qui luttent contre la mondialisation aujourd’hui, ce qui constitue bien évidemment un développement merveilleux et formidable. Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer le fait que dans ces manifestations il est rarement question du rôle des mass médias audiovisuels. Sur cette question nous avons près de 50 ans de retard. Et j’ai personnellement remarqué au cours de ces 20 dernières années, que de nombreux groupes de militants sont très réticents à critiquer les mass médias. C’est un phénomène très important, déroutant et complexe. Les mass médias sont toujours mis de côté, peut-être à cause de la relation traditionnelle que nous entretenons avec l’Hollywood qu’on aime ou nos émissions de télévision préférées, c’est difficile à dire. Aussi parce que nombre de militants, du moins jusqu’à très récemment, comme certains des mouvements pacifistes, ont utilisé la télévision pour transmettre leurs discours alternatifs. Ils se sont servis du système, le même système manipulateur, la Monoforme. Et donc rien n’a changé. Je crois que la traditionnelle réticence qu’ont de nombreux militants par rapport à une remise en cause véritable des mass médias audiovisuels constitue un très sérieux problème ; et mon sentiment personnel est que tant que ce sujet ne sera pas mis au même niveau d’importance que les autres objets de lutte, je ne pense sincèrement pas que le mouvement anti-mondialisation puisse jamais atteindre ses véritables objectifs. Si nous laissons le cinéma et la télévision dans leur état actuel, nous n’y arriverons jamais.

J’ai réalisé la Commune pour soulever ces questions, en lien avec les thème de l’engagement personnel et de la Commune de Paris. Ce que j’espère, c’est que les gens, vous mêmes, pourrez vous servir de ce film comme d’une ressource et d’un outil. Certaines personnes, peut-être même un certain nombre, trouvent sa longueur très bizarre : s’il vous plaît, considérez cette durée comme une ressource, et non une menace ou une manie personnelle, voyez le comme une ressource, comme un défi. Cela ne veut pas dire que tous les films alternatifs doivent durer 5 heures, loin de là. Celui-ci est de cette durée, et pour de bonnes raisons. Le fait de le regarder, d’avoir la patience de vivre cette expérience si vous voulez, de traverser tranquillement et de façon fluide le processus de ce film pourrait être perçu comme une démarche très positive et originale car cela transforme totalement la relation traditionnelle entre le public et le spectateur individuel. La Commune possède une forme narrative très particulière. L’on y trouve la Monoforme par endroits, et en cela je peux être critiqué. Le film a certainement des défauts, car il contient également un aspect hiérarchique, mais tout cela est ouvert à débat. L’on y trouve ces très longs « plans séquence » comme disent les Français, de longues séquences où je ne savais souvent pas ce qui allait se passer, les comédiens non plus d’ailleurs. Mais cela permettait de créer un espace où les gens pouvaient s’exprimer librement et installait un changement. Il y a là une idée de générosité. La plupart des mass médias son totalement étrangers à cela puisqu’ils ne veulent pas de réflexion spontanée ; ils veulent des réponses instantanées et pré-emballées. La Monoforme c’est ça. La Commune contient également un processus très important et complexe, à la fois avec les spectateurs à travers ses forme et contenu, mais aussi avec les gens qui y apparaissent, qu’il conviendrait mieux d’appeler des participants que des acteurs, qui ont travaillé en apportant un énorme investissement personnel dans ce film. Et c’est là un autre exemple de la formidable générosité de ce film –ce que les gens qui y apparaissent donnent d’eux-mêmes, se sachant exposés, s’exposant eux-mêmes ainsi publiquement à l’écran. Je crois que si nous somme prêts, si vous êtes prêts, à travailler avec ce film, il pourrait devenir une ressource et un outil formidable, non pas simplement pour déconstruire les mass médias audiovisuels, mais aussi comme une vision alternative parmi d’autres de ce que la télévision aurait pu devenir si elle n’en avait pas été empêchée par les requins qui la dirigent depuis 30 ans.

Je vais terminer en disant qu’il existe trois types d’approches pour travailler avec ce film. Il en existe de très nombreuses en fait, mais de façon hiérarchique je commencerai avec une chose que je peux vous proposer. J’ai écrit des pistes de réflexion pour les écoles qui seront bientôt disponibles en français. Les enseignants ou les groupes travaillant avec le film qui voudraient voir quelques-unes des idées qui pourraient être soulevées lors d’une discussion peuvent s’en servir. Mais comme je l’ai souligné dans ces notes, ce document ne servira qu’à « briser la glace » pour démarrer, les informations et idées les plus importantes viendront du débat lui-même. Certains des participants du film ont créé un groupe intitulé « Rebond pour la Commune » Rebond comme rebondir –c’est un peu difficile à traduire en anglais alors je garde le français– parce qu’ils avaient été motivés et intéressés par le processus de réalisation du film, qui a démarré bien avant le tournage et s’est poursuivi par la suite. Les « Rebonders », comme on les appelle, ont poursuivi ce processus collectif en créant récemment en France une association. Ils sont là pour aider, avec des pistes de réflexion ou plus simplement pour vous aider à démarrer, pas seulement pour montrer le film, là n’est pas l’objectif ultime. Le but est d’aller beaucoup plus loin que La Commune, afin d’explorer des nouvelles manières de revitaliser ou de réinventer le processus civique, débattre de nos désaccords mais surtout faire émerger une véritable participation citoyenne à notre histoire.

Je ne sais pas si nous aurons finalement la chance d’éviter de devoir se retrouver assis dans un parc à thème consacré à la mondialisation, j’en doute un peu, mais espérons au moins que ce parc sera construit prochainement, d’ici un ou deux ans avec votre aide. Moi, ou plutôt quelqu’un d’autre que moi sera installé sur un poste de télévision à manger des chips –de préférence pas des chips en fait– regardant au loin. Mais il faut vraiment que nous sortions de cet état de passivité dans lequel les médias nous ont mis. Et malheureusement une grande partie du système éducatif collabore désormais activement avec les médias en favorisant l’absence de débat, l’acceptation passive de la sous-culture populaire médiatique. Comme s’il n’existait rien d’autre. Mais il existe tout un monde d’alternatives, de processus alternatifs.

Je vais m’arrêter là, je m’excuse pour ce monologue mais j’espère que vous pourrez le diluer dans vos propres débats. Au revoir donc, et merci beaucoup pour votre aide et votre travail avec ce film.

Peter Watkins, Lituanie, 2001

 

En 2001, l’association « Rebond pour la Commune » réalise un document filmique de 30 minutes intitulé « Peter Watkins – Lituanie ». Peter Watkins y parle de son travail en tant que cinéaste, de la crise des médias et de ses motivations par rapport à la réalisation du film La Commune. Le texte ci-dessus initialement paru sur le site zalea.tv est la retranscription et traduction en français de cet entretien vidéo.

 

 

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