Passage du cinéma, 4992

Composition, choix des fragments, montage : Annick Bouleau, Conception graphique : The Theatre of Operations, Edition : Ansedonia, 2013

« Parler avec les mots des autres, voilà ce que je voudrais. Ce doit être ça la liberté. »
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Alexandre à Veronica, in La Maman et la Putain, 1971.

« Pour parler des autres, il faut avoir la modestie et l’honnêteté de parler de soi-même. »
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Jean-Luc Godard à Yvonne Baby, in Le Monde, 27 avril 1972.

Ce livre est un montage composé de 4992 fragments issus de revues françaises consacrées ou concernées par le cinéma depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à l’aube du XXIe.
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Ces fragments, méticuleusement référencés et numérotés, sont essentiellement des paroles vives, des propos de représentants de la corporation cinématographique : techniciens, industriels, producteurs, exploitants, cinéastes, acteurs…
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Mais on y trouve aussi des extraits de lois, de discours, de comptes rendus de conseils d’administration, de publicité…
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Des fragments d’expériences concrètes liées au cinéma qui deviennent souvent des fragments d’expériences de vie. Et dans cette multitude d’histoires singulières, on peut entrevoir — du point de vue particulier véhiculé par les revues consultées — les contours d’un siècle, sous plus d’un aspect (sociologique, politique, économique, esthétique…)
Un ouvrage qui a pris son temps pour trouver sa forme : de la lecture au choix des extraits pour arriver au montage, porteur de sens, support de récits, forcément anachronique, des 4992 fragments retenus dont chacun a été travaillé comme un plan de cinéma (coupe in, coupe out).
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Le montage de Passage du cinéma, 4992 s’articule autour d’un abécédaire où se superposent des termes du vocabulaire cinématographique, mais pas seulement (ainsi : “abandon”, “nuque”, “vie quotidienne”, “instant fatal”, “une fois pour toujours”, “moi je”, …). Un système de renvois (des “mots-passerelles”) suggère d’autres parcours de lecture.
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La mise en forme, qui à la fois autorise une lecture linéaire (de A à Z) et une lecture tabulaire (par fragments, par blocs de fragments, par mots d’entrée de l’abécédaire, …) permet au livre d’échapper au seul didactisme, même si son caractère pédagogique est indéniable et revendiqué.
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Le travail du studio graphique The Theatre of Operations vient affirmer cette approche de la lecture.

Projet pour la 4e de couverture  :

Une forme s’est mise à apparaître.

Une forme composée, au bout du compte, de 4992 fragments d’écriture travaillés chacun comme un plan de cinéma à la table de montage : la délicate opération de la coupe (cut) in et de la coupe out pour construire le film. Ici, le livre.

Pendant une dizaine d’années j’ai lu un grand nombre de revues — consacrées au — ou concernées par — le cinéma, depuis son acte de naissance (1895) jusqu’à l’aube du nouveau siècle (2000). Lecture qui s’est faite écoute : jetant mon dévolu sur les propos notés, rapportés ou enregistrés (au gré des époques) et finalement imprimés, de représentants du monde professionnel cinématographique (techniciens, industriels, producteurs, exploitants, cinéastes, acteurs…)
De ces flux de paroles devenus blocs d’écritures, j’ai élu, retenu 4992 fragments, retranscrits et numérotés, méticuleusement.
La lectrice se fait scribe.

Une autre décennie a été nécessaire pour assembler, ordonner, relier, modeler, façonner-fictionner ces fragments tout autour d’un abécédaire personnel. Une volumineuse matière plastique devenue un unique long ruban plié en double colonne sur les pages de ce livre.
Scribe, je me fais monteuse et plasticienne.

Suivant quel(s) récit(s) ? Au service de quelle(s) histoire(s) ?

Dans le temps de la lecture, Passage du cinéma, 4992 donne à imaginer ces voix singulières, ces corps uniques, initiateurs de récits, de savoirs et d’histoires qui nourrissent l’Histoire, échafaudant une grande pièce montée anachronique.

Chaque fois qu’il ouvrira le livre, en tournant les pages, vers l’avant comme vers l’arrière, au moyen d’un entrelacs de mots-passerelles, le lecteur activera à son tour la cadence, pour d’autres montages, d’autres formes, d’autres rythmes. À lui de deviner sa propre guise.

À lire : Mais c’est un livre que je voulais faire.

Discussion avec Annick Bouleau autour du livre

Enregistrée le 28 novembre 2013 au Polygone étoilé et au J4 à Marseille.

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